Neuf millions de voitures électriques produites depuis la création de la marque. Sur le papier, l’annonce a tout d’un moment historique pour Tesla. Le véhicule anniversaire est sorti de la Gigafactory de Shanghai, aujourd’hui le site industriel le plus important du constructeur américain, avec une capacité annuelle proche du million d’unités. Sans surprise, c’est un Model Y qui a marqué ce jalon, confirmation supplémentaire que ce SUV compact reste la colonne vertébrale de la marque à l’échelle mondiale.
Ce chiffre impressionne, mais il arrive dans un contexte beaucoup moins triomphal qu’il y a encore deux ou trois ans. Tesla n’est plus dans une phase d’expansion euphorique, mais dans une période de digestion industrielle, commerciale et stratégique. Le symbole est fort : jamais la marque n’a autant produit, alors même que ses ventes ralentissent sur la plupart de ses marchés clés.
Des ventes en baisse en 2025, une première vraie alerte
Les chiffres attendus pour la fin de l’année 2025 confirment ce coup de frein. Selon les projections évoquées dans la communication adressée aux investisseurs, Tesla devrait terminer l’année autour de 1,64 million de véhicules vendus dans le monde, contre près de 1,79 million en 2024. Le quatrième trimestre s’annonce particulièrement délicat, avec un volume estimé à environ 423 000 unités, nettement en dessous des niveaux observés fin 2024 et même du troisième trimestre 2025.
En Chine, marché pourtant stratégique et longtemps moteur, la tendance est tout aussi révélatrice. Sur les onze premiers mois de l’année, Tesla y a écoulé un peu plus de 531 000 véhicules, soit une baisse de plus de 7 % sur un an. Un recul significatif dans un pays où la concurrence locale s’est considérablement durcie, entre BYD, Geely, Changan ou encore Xiaomi, désormais bien décidés à ne plus laisser Tesla jouer seul sur le terrain technologique.
Aux Etats-Unis, le marché des voitures électriques plonge avec une volonté de Trump de ne plus les subventionner.
Autre indication en France des difficultés rencontrées par la marque : dans les voitures proposées sur stock, Tesla n’a pas encore fini d’écouler les Model Y non restylés ! La commercialisation du Model Y Juniper date pourtant de mars 2025, il y a 9 mois.
Des prévisions 2029 qui interrogent autant qu’elles rassurent
C’est là que la communication de Tesla devient plus étrange. Pour la première fois, la marque a publié dans son espace investisseurs une compilation de prévisions issues de plusieurs dizaines d’analystes indépendants. Tous convergent vers un scénario optimiste : près de 3,02 millions de Tesla vendues en 2029, soit quasiment un doublement par rapport à 2025.
Officiellement, Tesla se dédouane totalement de ces projections et précise ne pas les soutenir. Officieusement, difficile d’y voir autre chose qu’un message destiné à calmer les actionnaires avant la publication de résultats attendus en net retrait. Le contraste est saisissant avec les ambitions affichées il y a encore deux ans, lorsque la marque évoquait ouvertement un objectif de 20 millions de ventes annuelles à l’horizon 2030. Une promesse depuis discrètement effacée, remplacée par une formule beaucoup plus floue sur la volonté de « vendre autant de produits Tesla que possible ».
Une gamme qui vieillit et des nouveautés au compte-gouttes
L’autre sujet, plus structurel, concerne l’offre produit. Tesla continue de vivre largement sur des modèles lancés il y a plusieurs années. Le Model Y et la Model 3 assurent l’essentiel des volumes, tandis que les Model S et Model X, légèrement retouchés, peinent à masquer leur âge face à des concurrentes plus modernes sur le plan technologique et perçu.
Depuis le Cybertruck, lancé en 2023 avec un accueil commercial très mitigé, Tesla n’a pas réellement renouvelé sa gamme mondiale. En 2025, la marque s’est contentée de déclinaisons spécifiques pour la Chine, comme le Model Y L à empattement allongé, et de versions Standard de la Model 3 et du Model Y, dont le positionnement a laissé perplexe plus d’un observateur. Le Roadster de seconde génération, promis depuis des années, reste quant à lui un serpent de mer.
Tesla entre deux mondes
Derrière les chiffres, une question demeure : Tesla veut-elle encore être avant tout un constructeur automobile ? Le recentrage progressif du discours sur l’intelligence artificielle, les robots humanoïdes et les activités annexes laisse penser que la voiture n’est plus l’unique priorité stratégique. Le cap des 9 millions de véhicules produits apparaît alors presque comme un hommage au Tesla d’hier, celui qui bousculait l’industrie automobile à coups d’innovations et de volumes en forte croissance.
Reste à savoir si les prévisions optimistes pour 2029 relèvent d’un réel rebond industriel… ou simplement d’un pari destiné à maintenir la confiance en attendant un nouveau cycle produit.
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