D’abord, on a cru à une vision. Le pick-up venu du futur, indestructible, anguleux comme un origami brutaliste, bardé de promesses et de superlatifs par un Elon Musk en roue libre. Aujourd’hui, la réalité est plus prosaïque : le Cybertruck cale. Et pas qu’un peu.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Les chiffres du deuxième trimestre 2025 viennent de tomber, et ils claquent comme une porte qu’on aurait trop vite refermée. Seulement 4 306 Cybertruck livrés aux États-Unis entre avril et juin, selon Cox Automotive. Pour un modèle censé incarner le futur de l’électrique, c’est un revers cinglant. Pire encore : c’est le troisième trimestre de recul d’affilée. Et voilà que Tesla se fait doubler par le GMC Hummer EV – 4 508 unités – un colosse aussi discret qu’un tank en centre-ville. Quant au Ford F-150 Lightning, il continue de mener la danse, même s’il ralentit un peu, avec 5 842 exemplaires écoulés.
En cumulé, 10 712 Cybertruck ont été vendus au premier semestre 2025. C’est moins qu’à la même période en 2024, où Tesla en avait écoulé 11 588 – soit une baisse de 7 %. Sur le seul deuxième trimestre, la chute atteint 32 % par rapport au premier trimestre de cette année, et 50 % en comparaison au T2 2024. Pour un modèle qui devait révolutionner le pick-up électrique, l’ironie est mordante.
Et dire qu’à son lancement, Musk évoquait des objectifs à 250 000 unités par an. À ce rythme, le Cybertruck aura bien du mal à franchir ne serait-ce que le cap des 50 000 en 2025. L’année 2024, pourtant la première pleine, s’était déjà achevée avec seulement 41 000 livraisons. Des ambitions lunaires ramenées brutalement sur Terre.
Entre vision et rejet
Le problème n’est pas tant que le Cybertruck est un échec technologique. Sur le papier, il a tout pour plaire : 4 roues motrices, plus de 800 chevaux sur certaines versions, une autonomie dépassant les 500 km, des performances de supercar dans un habit de bête de somme. Mais il traîne un lot d’handicaps : tarif élevé, production encore erratique, finition contestable, et surtout une forme clivante, qui semble séduire davantage les forums que les acheteurs.
Et puis, le Cybertruck souffre d’un paradoxe : il se veut à la fois l’outil ultime pour les baroudeurs et un symbole high-tech pour les urbains connectés. Or, ces deux publics ne se croisent jamais. Le cow-boy texan ne veut pas d’un engin de science-fiction sans caisse en acier classique, et le cadre californien commence sérieusement à douter du storytelling muskéen.
Un marché qui ne l’attendait pas
Contrairement au Model Y, qui a su répondre à une attente réelle (et qu’on croise désormais à chaque coin de rue en Europe), le Cybertruck semble être la réponse à une question que personne n’a vraiment posée. Le segment des pick-up électriques reste encore marginal, et quand il monte en puissance, ce sont des marques établies comme Ford ou Chevrolet qui en récoltent les fruits, avec des propositions plus sobres, mieux intégrées au tissu social américain.
Tesla paye aussi sa stratégie de communication à l’excès. À force de promettre la lune, la déception est amplifiée dès que la réalité s’en éloigne. Le Cybertruck n’est pas une catastrophe industrielle, mais un produit mal positionné, mal compris et lancé trop tard, dans un monde qui a commencé à douter de l’infaillibilité de Musk.
Et après ?
Le Cybertruck survivra-t-il ? Oui, très probablement. Tesla a les reins solides, et la machine industrielle finira par se régler. Mais le Cybertruck, dans sa forme actuelle, restera sans doute un modèle de niche. Un OVNI roulant pour fans hardcore, pas le fer de lance qu’il était censé devenir.
Derrière cette dégringolade se dessine une leçon cruelle : l’innovation ne suffit pas. Il faut aussi écouter le marché, comprendre les usages, et ne pas confondre coup de com’ et vision durable.
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