
Et si votre voiture freinait toute seule, sans prévenir, à 130 km/h sur autoroute ? Ce qui ressemble à un scénario de science-fiction est pourtant arrivé à Joanna, habitante de Décines, et à des centaines d’autres conducteurs qui témoignent aujourd’hui d’un phénomène aussi troublant qu’inexpliqué : le freinage fantôme. Derrière ce terme un peu flou se cache une inquiétante réalité qui interroge directement la fiabilité des aides à la conduite censées nous protéger.
Une technologie qui tourne à l’accident
Tout commence en avril dernier sur l’A40, en Haute-Savoie. Joanna, au volant de sa Peugeot, roule à allure normale lorsqu’un freinage brutal et autonome de son véhicule la projette dans une situation d’urgence absolue. Percutée à l’arrière, sa voiture fait un tête-à-queue. Bilan : entorses cervicales, deux véhicules irréparables, et surtout une énorme zone d’ombre sur les raisons de l’accident.
Joanna évoque un freinage automatique sans déclencheur apparent, ni alerte sonore ou visuelle. Pourtant, elle connaît le fonctionnement de son système d’assistance au freinage, qui s’était déjà activé auparavant à basse vitesse, de manière compréhensible. Cette fois, rien. Le vide technique. Et une peur, tenace.
Mais ce qui transforme cet incident en affaire d’intérêt public, c’est que Joanna n’est pas seule.
Plus de 250 témoignages en un mois
En lançant un appel à témoignages, elle reçoit en quelques semaines plus de 250 réponses. Des incidents aux circonstances similaires : un freinage soudain, souvent injustifié, parfois à haute vitesse, parfois avec des conséquences dramatiques.
Ces incidents concernent des modèles de toutes marques, pas uniquement Peugeot. Certains conducteurs rapportent des réactions intempestives liées à des ombres, des virages, des panneaux mal détectés, ou… rien du tout. Si la majorité évoque de la peur ou des frayeurs évitées de justesse, certains, comme Aurélie, n’ont pas eu cette chance.
Une victime, un drame, une condamnation
Décembre 2023, autoroute A7. Aurélie roule à 130 km/h quand sa voiture — une Skoda — freine violemment, seule, malgré une accélération engagée. Le choc est inévitable. Sa passagère meurt sur le coup, elle tombe dans le coma.
Son véhicule, pourtant, avait déjà montré des dysfonctionnements électroniques mineurs dans les semaines précédentes. Mais lors des expertises, aucune preuve de défaillance mécanique ou électronique n’est identifiée. Résultat : condamnation pour homicide involontaire. Une décision lourde à porter pour une conductrice persuadée de n’avoir commis aucune erreur.
Une omerta technologique ?
Joanna, de son côté, tente de faire expertiser son véhicule. Refus de la justice, faute de décès. Refus de son concessionnaire. Peugeot botte en touche, estimant que l’affaire relève de son assurance, laquelle reste silencieuse. Le dossier est bloqué, l’indemnisation aussi. Sa voiture, désormais inutilisable, est conservée comme pièce à conviction, au cas où une nouvelle expertise pourrait être lancée.
Mais au-delà de son cas personnel, Joanna cherche à faire émerger un problème collectif, à interpeller constructeurs et autorités sur une défaillance possible — ou un dysfonctionnement mal anticipé — des aides à la conduite autonomes.
La technologie au banc des accusés
Ce n’est pas la première fois que des aides à la conduite sont mises en cause dans des incidents graves. Tesla a connu plusieurs polémiques sur ses systèmes de freinage d’urgence ou d’Autopilot déclenchés sans raison. Volvo et BMW ont également été pointés du doigt par des utilisateurs pour des comportements “surprotecteurs” du système. Mais ce qui est nouveau ici, c’est l’ampleur silencieuse du phénomène, et son manque total de traçabilité.
Car sans preuve, impossible d’incriminer un constructeur, ni de se défendre pleinement lorsqu’un accident se produit. Les boîtes noires automobiles existent, mais elles ne sont pas toujours accessibles. Et dans la plupart des cas, l’analyse des données embarquées ne va pas jusqu’à décortiquer le comportement des systèmes d’aide à la conduite en détail. Un vide juridique et technologique, en somme.
Et maintenant ?
Joanna ne cherche pas vengeance. Elle cherche la vérité. Une prise de conscience, aussi bien du public que des acteurs industriels. Car derrière chaque freinage fantôme, c’est une vie qui bascule, un doute qui s’installe, une confiance qui s’effrite.
Il est urgent que la filière automobile prenne ce phénomène au sérieux. Non pas pour protéger son image, mais pour rétablir une relation de confiance essentielle entre le conducteur et sa machine. Une confiance sans laquelle la voiture moderne, même la plus assistée, reste un risque potentiel.
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