Le contrôle technique annuel peut-il réduire la fraude au kilométrage ?

La fraude au kilométrage est assez massive en Europe
La fraude au kilométrage est assez massive en Europe

Dans un marché de la voiture d’occasion de plus en plus connecté et transfrontalier, la Commission européenne veut faire le ménage. Deux propositions sont en passe de rebattre les cartes : la première impose le contrôle technique annuel pour les voitures de plus de 10 ans ; la seconde vise à créer un véritable espace commun de la donnée kilométrique. Objectif : réduire la fraude au compteur, un fléau aux conséquences bien plus lourdes qu’on ne l’imagine.

Une fraude de grande ampleur, aux coûts colossaux

C’est souvent ce que redoutent les acheteurs de voitures d’occasion : les compteurs kilométriques trafiqués. Trop souvent banalisée, la falsification du kilométrage touche environ 5 % des véhicules analysés en 2024 par la plateforme carVertical. Cette fraude généralisée à grande échelle coûterait chaque année entre 1,3 et 8,8 milliards d’euros à l’économie de l’UE. Car en bout de chaîne, ce sont les consommateurs qui trinquent : prix d’achat gonflé, entretiens imprévus, pannes prématurées, et valeur de revente en baisse.

Et les chiffres récents de carVertical confirment l’ampleur du phénomène : même avec une hypothèse prudente, le préjudice annuel s’élèverait à 5,3 milliards d’euros dans 17 pays européens. En France, où l’âge moyen du parc automobile dépasse les 9 ans, les voitures anciennes concentrent l’essentiel du risque.

Un contrôle technique annuel pour augmenter les contrôles

Si la Commission européenne souhaite imposer un contrôle technique annuel, c’est pour favoriser la traçabilité des voitures d’occasion et réduire les fraudes au compteur falsifié.

Cette mesure concernerait les voitures de plus de 10 ans, plutôt logique lorsqu’on sait que plus de la moitié des voitures âgées de 15 ans et plus présentent des dommages, contre moins de 20 % pour celles de moins de 4 ans.

Un contrôle annuel, mieux documenté, faciliterait la traçabilité kilométrique et freinerait les manipulations opportunistes avant la revente.

Partager les données pour éviter les zones grises

Mais le contrôle régulier ne suffit pas. Tant que les données restent cloisonnées par pays, voire entre acteurs privés, les failles persistent. Car aujourd’hui, un vendeur peu scrupuleux peut encore faire importer un véhicule en modifiant son historique sans grande difficulté. Actuellement les bases de données nationales ne dialoguent pas entre elles, et les informations essentielles (kilométrage, historique de propriété, accidents) sont parfois détenues par des constructeurs ou intermédiaires privés, sans obligation de transparence.

La proposition européenne vise donc à créer un véritable espace de circulation de la donnée kilométrique, un peu sur le modèle du passeport numérique du véhicule. CarVertical, qui milite pour cette interopérabilité, explique que les acheteurs de véhicules au compteur trafiqué paient en moyenne 25 % de plus, sans avoir conscience de l’arnaque. Une harmonisation du partage d’information pourrait faire baisser cette exposition.

Une économie de la donnée en quête d’homogénéité

Derrière cette réforme technique se cache un enjeu bien plus vaste : construire une économie numérique souveraine, fidèle aux valeurs européennes. L’Union accuse un sérieux retard face aux États-Unis : seules 8 % des scale-ups mondiales sont européennes. L’un des freins majeurs ? Une réglementation fragmentée, un accès trop restreint aux données, et des règles de protection perçues comme dissuasives.

Le paradoxe est évident : la protection des données est indispensable, mais mal calibrée, elle devient un allié involontaire des fraudeurs. D’où l’idée de clarifier le périmètre des données personnelles dans le cadre d’une vente de véhicule, tout en facilitant l’accès aux informations techniques (kilométrage, sinistres, changements de propriétaire…).

Les propositions européennes ont le mérite d’adresser un vrai problème de fond, trop souvent négligé. Les automobilistes vont cependant encore une fois devoir régler la note, avec des contrôles annuels et les réparations qui peuvent en découler.

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Grégory Augier

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