
Pendant des années, la date de 2035 a été brandie comme une ligne rouge. Une frontière nette, presque idéologique, entre l’automobile d’hier et celle de demain. Ce mardi 16 décembre, Bruxelles a discrètement déplacé le curseur. Pas d’abandon officiel de la transition, mais une inflexion claire : l’Union européenne renonce à imposer un basculement strict vers le 100 % électrique et ouvre la porte, sous conditions, à une part limitée de voitures thermiques et hybrides au-delà de 2035.
Nouvelle donne pour 2035
Le signal est politique autant qu’industriel. À Bruxelles, on parle désormais de « pragmatisme ». En coulisses, on évoque surtout une industrie automobile européenne sous pression, coincée entre une demande en berne, des coûts de production élevés et une concurrence chinoise devenue frontalement agressive. Les chiffres de ventes, les fermetures d’usines et les alertes des constructeurs ont fini par peser plus lourd que les slogans climatiques.
Concrètement, l’interdiction totale des moteurs thermiques disparaît. À la place, un objectif chiffré : –90 % d’émissions de CO₂ par rapport à 2021, avec obligation de compenser les 10 % restants. Bruxelles jure que le résultat final sera le même : un parc automobile neutre en carbone. Mais dans les faits, la nuance est de taille. Elle redonne de l’air à des technologies que l’on disait condamnées, et surtout du temps à des industriels qui peinent à aligner rentabilité et électrification forcée.
Ce virage ne tombe pas du ciel. Depuis des mois, les constructeurs européens réclamaient des « flexibilités ». Volkswagen, Stellantis, Renault ou BMW ont tous, à des degrés divers, alerté sur la difficulté de vendre massivement du 100 % électrique à horizon dix ans, notamment sur les segments compacts et abordables. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : malgré les incitations, l’électrique reste cher, dépendant des aides publiques et encore très inégalement accepté selon les marchés.
En face, la Chine avance sans complexe. BYD, MG ou Geely inondent l’Europe de modèles électriques bien équipés, à des prix que les industriels locaux peinent à suivre sans rogner sur leurs marges. Dans ce contexte, maintenir une interdiction rigide revenait presque à tendre le bâton pour se faire battre. Bruxelles a choisi d’amortir le choc.
De nouvelles mesures pour compenser ce revirement
Pour autant, difficile de parler de capitulation totale. La Commission européenne accompagne ce rétropédalage d’un arsenal de mesures censées soutenir l’électrification : verdissement accéléré des flottes d’entreprises, prêts à taux zéro pour les batteries, et surtout cette fameuse « préférence européenne » qui impose aux industriels aidés de s’approvisionner en composants produits sur le Vieux Continent. Une tentative assumée de reconstruire une souveraineté industrielle que l’Europe a laissé filer pendant deux décennies.
Autre signal intéressant : la volonté affichée de pousser les petits véhicules électriques « abordables ». Derrière la formule, un aveu : la transition ne passera pas par des SUV électriques à 50 000 euros. Elle se jouera sur des citadines à moins de 20 000 euros, un terrain aujourd’hui dominé par les acteurs chinois… et que Renault, Volkswagen ou Stellantis tentent péniblement de reconquérir.
Reste la question qui fâche : que deviendront ces voitures thermiques encore autorisées après 2035 ? Officiellement, elles seront marginales, compensées, et probablement cantonnées à des niches. Certains évoquent déjà des modèles premium, à faible diffusion, où le surcoût de la compensation carbone serait plus facilement absorbable. Une manière élégante de dire que le thermique survivra surtout là où il rapporte encore beaucoup.
Les ONG écologistes, scandalisées
Les ONG environnementales, sans surprise, dénoncent un recul. Greenpeace parle d’un « cadeau » fait à la concurrence asiatique, quand Transport & Environment alerte sur une erreur stratégique. D’autres observateurs, plus cyniques, y voient au contraire la reconnaissance tardive d’une réalité : la transition automobile ne se décrète pas à coups de dates symboliques.
Au fond, ce renoncement partiel dit beaucoup de l’état de l’Europe automobile. Coincée entre ambitions climatiques et survie industrielle, elle avance désormais à petits pas, quitte à renoncer à ses dogmes. 2035 ne sera donc pas le grand soir électrique annoncé. Plutôt une zone grise, faite de compromis, de calculs… et d’un certain retour à la réalité.
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