Chez Lotus, on a toujours su jouer les funambules : de l’ingénierie géniale d’une Elise de 800 kg aux finances calamiteuses qui font tanguer Hethel une décennie sur deux. Mais cette fois, la corde est bien fine. Les comptes plongent ( 313 millions de dollars de pertes au premier semestre ) et Geely, le propriétaire chinois, impose une nouvelle ligne : l’Emira deviendra hybride rechargeable en 2027.
Un demi-tour stratégique
On l’avait entendue mille fois, cette promesse d’un Lotus 100 % électrique, capable de tenir tête à Tesla ou Porsche Taycan. Résultat : l’Eletre et l’Emeya, ces mastodontes électriques sortis de Wuhan, peinent à trouver preneur. Les ventes se sont effondrées de 43 % depuis janvier. Quant à l’Emira, la seule qui respire encore l’ADN maison, elle n’a séduit que 891 clients dans le monde. On est loin de l’âge d’or.
Alors Geely change son fusil d’épaule. Finies les grandes envolées sur « l’électrique pur », place au plug-in hybride. Ferrari l’a fait, McLaren aussi, alors pourquoi pas Lotus ? L’idée est simple : sauver les meubles avec une Emira électrifiée au moment où l’Euro 7 sonnera le glas des moteurs AMG et Toyota qui l’équipent aujourd’hui.
Hethel préservée… en sursis
L’autre séisme de l’été fut l’annonce avortée de la fermeture de l’usine de Hethel, le cœur battant de Lotus depuis plus de soixante ans. Geely voulait déplacer la production aux États-Unis pour contourner les taxes imposées par Donald Trump. Tollé immédiat : médias, gouvernement britannique, passionnés, tout le monde est monté au créneau. Résultat : Hethel reste debout. Mais le prix est lourd : 550 emplois supprimés, après déjà 270 au printemps. On garde la coquille, mais on vide l’atelier.
Une mécanique encore mystérieuse
Que sait-on du futur moteur hybride de l’Emira ? Pas grand-chose. Une certitude : il ne reprendra ni le 2.0 AMG, ni le V6 Toyota, tous deux incompatibles avec Euro 7. Il faudra donc un bloc inédit, sans doute développé main dans la main avec Geely. Une bonne nouvelle sur le papier, mais le diable est dans les détails : comment concilier la philosophie Lotus – légèreté, pureté de conduite – avec la lourdeur inévitable d’une batterie et d’un système hybride ?
Car l’Emira séduit aujourd’hui justement parce qu’elle reste un anachronisme délicieux : un coupé sportif à moteur central, joueur, sans filtre électronique envahissant. Avec une prise de recharge plantée dans l’aile arrière, la magie sera-t-elle toujours là ?
Entre passion et survie
En réalité, l’Emira hybride n’est pas seulement une question de technique, c’est un test grandeur nature : celui de la survie de Lotus. Si le modèle trouve son public, la marque pourra se réinventer, comme Porsche l’a fait avec son Cayenne il y a vingt ans. Si elle échoue, Hethel risque de finir en sanctuaire pour nostalgiques, pendant que la production migrera doucement vers un autre continent.
Lotus a souvent été au bord du gouffre. Mais cette fois, ce n’est pas une simple crise : c’est l’identité même de la marque qui vacille.
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