Il suffit parfois d’une phrase lancée en conférence pour transformer une discussion sur la stratégie industrielle en mini-guerre de communiqués. Antonio Filosa, le nouveau directeur général de Stellantis, a soufflé l’étincelle en affirmant lors de récentes prises de parole publiques qu’en Allemagne « Leapmotor a vendu plus que BYD ». La remarque, lourde de sous-entendus politiques et industriels, n’est pas passée inaperçue. Résultat : BYD Allemagne a répondu point par point avec des chiffres précis pour les huit premiers mois de 2025. Tentative de remise à plat d’un épisode qui éclaire autant les volumes de vente que les stratégies des acteurs.
Une passe d’armes entre les constructeurs chinois
D’un côté, la posture de Stellantis n’est pas neutre : le groupe détient une participation significative dans Leapmotor et pousse clairement son poulain chinois en Europe. Dire que Leapmotor ferait mieux que BYD en Allemagne, c’était à la fois défendre un investissement et provoquer un rival encombrant. Filosa a, par ailleurs, utilisé l’occasion pour appeler l’Union européenne à des règles plus « flexibles » face à la concurrence chinoise — plaidoyer politique destiné à peser sur la régulation autant que sur l’opinion publique.
De l’autre côté, BYD a choisi la méthode factuelle. Dans un courrier interne diffusé aux médias, BYD Allemagne avance des totaux pour janvier-août 2025 : 8 610 immatriculations contre 3 536 pour Leapmotor. Le constructeur détaille encore les ventes par type : 5 852 BEV et 2 757 PHEV pour BYD, versus 3 088 BEV et 448 PHEV pour Leapmotor. Des chiffres qui installent BYD nettement devant sur les deux segments « électrifiés ». Ces éléments renvoient l’assertion de Filosa à une lecture très sélective de la réalité du marché.
Forte progression de BYD en Allemagne, devant Jeep
Mais il faut ajouter de l’éclairage extérieur : les statistiques officielles et les relevés du KBA montrent une progression très nette de BYD en Allemagne sur 2025, BYD ayant multiplié ses immatriculations par plusieurs facteurs par rapport à 2024 et cumulant plusieurs milliers d’unités dès la fin juillet (Reuters rapportait 7 449 unités BYD pour janvier–juillet 2025). Ces données publiques corroborent la trajectoire ascendante de BYD, même si les séries mensuelles peuvent varier sensiblement selon les sources et les méthodes de comptage.
Autre angle important : Leapmotor n’est pas inactif. Appuyé par Stellantis, le constructeur accélère son déploiement européen — nouveaux modèles, réseau commercial et ambitions de volumes globaux très hauts — et communique volontiers sur ses objectifs. Mais la conversion de ces annonces en immatriculations réelles en Allemagne reste plus modeste, du moins pour l’instant, comme le montrent les comptages mensuels publiés par la presse spécialisée. Autrement dit : Leapmotor monte vite, mais part de plus loin.
Bilan des courses ?
Que conclure, au-delà des chiffres ? D’abord, que la guerre des perceptions compte autant que la guerre des chiffres. Pour Stellantis, défendre Leapmotor c’est défendre un pari stratégique et financier. Pour BYD, contrer publiquement une affirmation qui pourrait nuire à sa réputation commerciale en Allemagne est une nécessité. Ensuite, que les chiffres doivent être lus avec prudence : différences de date de comptage (janvier-juillet vs janvier-août), inclusion éventuelle de véhicules de démonstration ou d’importations temporaires, part des PHEV dans les totaux — tout cela peut influer sur le résultat final. Enfin, que le marché allemand, en forte progression sur l’électromobilité en 2025, devient un théâtre essentiel où les alliances industrielles et les campagnes de communication pèsent lourd.
En attendant, la confrontation entre Filosa et BYD montre combien la compétition sino-européenne sur les véhicules électriques est désormais à la fois commerciale, industrielle et politique. Les chiffres trancheront, mais les entreprises savent vendre aussi des récits stratégiques. Dans ce match-là, les communiqués et les communiqués de réponse ne sont que le prélude : la vraie bataille se jouera sur les immatriculations durables, les taux de fidélisation et la capacité à produire localement.
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