Le secteur automobile traverse une période de bouleversements sans précédent, et même les géants tels que Volkswagen ne sont pas épargnés. Le report du lancement du modèle électrique phare baptisé Trinity et initialement prévu pour 2026, est désormais repoussé à 2032. Une nouvelle qui, sans surprise, fait grand bruit dans l’industrie. Mais que cache réellement ce report, et quelles en sont les conséquences pour Volkswagen et ses concurrents ?
Un projet d’innovation technologique au point mort
Annoncé en 2021, le projet Trinity devait incarner la vitrine technologique de Volkswagen. Prévu pour être le premier modèle à utiliser la nouvelle plateforme modulaire SSP (Scalable Systems Platform), Trinity devait incarner la future génération de véhicules électriques du constructeur allemand. En plus d’être positionnée comme un concurrent direct de la Tesla Model 3, la Trinity avait pour ambition d’introduire la conduite autonome de niveau 4, un concept encore inexploré par la majorité des constructeurs automobiles.
Or, trois ans plus tard, le constat est amer. Les ambitions de Volkswagen ont été freinées par des problèmes internes, en particulier au sein de sa division Cariad, responsable du développement de l’intégration logicielle. Cette difficulté à avancer sur un projet aussi crucial met en lumière les faiblesses de la stratégie numérique du groupe. Mais pourquoi un tel retard ?
Des failles dans la stratégie numérique de Volkswagen
L’idée d’un véhicule défini par logiciel (Software Defined Vehicle – SDV) est séduisante : concevoir une voiture où la valeur repose essentiellement sur le logiciel, permettant une évolution continue grâce à des mises à jour régulières. C’est une approche qui permettrait de prolonger la vie utile des véhicules, tout en ouvrant de nouvelles opportunités de revenus pour le constructeur via des services additionnels sous forme d’abonnements.
Cependant, la réalité s’est avérée bien plus complexe. Le développement de ce type de véhicule repose sur une infrastructure logicielle solide, capable d’évoluer avec le temps. C’est là que Cariad, la division en charge du développement du logiciel pour Volkswagen, a échoué. Les retards accumulés et les difficultés techniques ont non seulement retardé le lancement du Trinity, mais ont également obligé Volkswagen à revoir l’ensemble de sa stratégie numérique.
Face à ces défis, Volkswagen a pris la décision de prolonger la durée de vie de sa première plateforme électrique modulaire, la MEB, tout en externalisant une partie du développement logiciel. Le constructeur a ainsi fait appel au startup américain Rivian pour le marché global et à Xpeng pour le marché chinois. Cette stratégie d’externalisation pourrait s’avérer payante, mais elle souligne aussi une perte de contrôle sur le développement de ses technologies internes, un signe potentiellement inquiétant pour l’avenir du groupe.
La concurrence accélère pendant que Volkswagen freine
Le report du Trinity à 2032 place Volkswagen dans une position délicate face à la concurrence. Tesla continue de dominer le marché des véhicules électriques, tandis que des constructeurs comme BMW, avec sa plateforme Neue Klasse, et Mercedes-Benz, avec sa stratégie Ambition 2039, renforcent leur présence dans le domaine des véhicules autonomes et électriques.
De plus, des acteurs plus récents comme Lucid Motors ou NIO poursuivent leur montée en puissance avec des modèles offrant des performances et des technologies de pointe. Sans parler de BYD qui vise le marché européen avec des usines sur notre continent. Le retard de Volkswagen pourrait offrir à ces concurrents l’opportunité de creuser l’écart en matière de technologies et de parts de marché.
La décision de repousser le Trinity à 2032 est plus qu’un simple retard. Elle pourrait signifier un changement profond dans la stratégie électrique de Volkswagen. Avec un marché des véhicules électriques en pleine mutation et une concurrence de plus en plus féroce, Volkswagen devra redoubler d’efforts pour rester pertinent. Cela pourrait passer par une révision complète de ses priorités technologiques, voire par l’abandon de certains projets au profit d’autres plus immédiatement réalisables.
Les modèles thermiques n’ont pas dit leur dernier mot
Le prolongement de la durée de vie des modèles actuels, comme la Golf 8 à moteur thermique, jusqu’en 2035, montre une certaine hésitation du groupe à plonger tête baissée dans l’électrique. Cette prudence pourrait s’expliquer par les incertitudes économiques et technologiques qui entourent le marché des véhicules électriques. L’actuelle ID.4 pourrait ainsi recevoir la plate-forme MEB+ en 2026, et poursuivre sa carrière jusqu’en 2030.
L’arrivée de la plate-forme SSP aurait toutefois lieu avant 2032 : en 2028, et elle serait inaugurée par l’Audi A4 e-tron qui a été du même coup repoussée.
Volkswagen prévoit aussi de lancer une nouvelle Golf électrique avant 2030, un modèle qui devrait faire oublier l’ID.3.